lundi 17 décembre 2018

Les Roses



Dans l’asphalte des villes,
Il n’y a plus de roses
Seuls les narcisses osent
Pousser dans ce chaos, cette immonde saleté
S’admirant longuement, les yeux collés à leurs reflets,
Épris de la beauté de leurs propres nombrils rosés

Il y a une multitude de gens
Aux yeux plus grands que le ventre
Qui coupent sans remord et sans peine
Les veines aux mélodies des feuillages

Dans une ultime pulsation
Les enroués battements des feuilles
Entonnent une toute dernière chanson
Aux oisillons dans leurs nids
Au sommet des arbres meurtris

Des parois de fer et de béton sont érigés
À place des champs et des forêts
Et le ventre de la terre, si infâmement violé
N’enfante plus que des tours verticales
Que de poignard en main, s’en vont égorger le ciel

Non, là-bas, des roses il n’y en a pas
Des roses il n’y en a plus, là-bas
Et s’il y en avait, de dégoût se tueraient
Il ne reste, dans les jardins, que des êtres inhumains
Qui s’entremangent, salivant le sang de tous les innocents

Ils sont si occupés au jeu du prédateur qui mange l’agneau
Qu’ils ne voient même plus que le jour nouveau
Noyé dans son propre mucus ensanglanté
Se meure in utérus, mort-né dans son berceau.

(Carmen Cupido, traduction et adaptation au français du poème
« O asfalto das cidades » in Na Matriz da Palavra, 2010)

lundi 19 novembre 2018

L'innommable



Derrière la porte fermée
Une ombre se cachait
Et la terreur était une mortelle poussière
Un nuage noir qui tournoyait dans l’air
Et tes pieds de plomb, pieds de fer
Faisaient de moi le sol
Où tu dansais

Spectre ou fantôme
Ou diable innommable
C’est de la rage que tu mettais à table
Je serrais les dents
 Ma bouche se clouait
Tu m’ordonnais : Mange misérable
Ma faim était une autre
Celle de l’oiseau qui s’envolait

Mille poings pleuvaient
Mille lames d’épées
qu’à outrance me blessaient
Et dans tes mains des ouragans
qui me jetaient contre le mur
Et contre le mur écrasés
Mon corps blessé, mes yeux révoltés,
Perdaient de vue le futur

Et Bec et ongles, je m’agrippais
Par le fil, les rêves, la vie, je retenais
Et tandis que tu vociférais
Mes yeux se faisait fleuve
Au lit qui débordait
tout le venin que tu me donnais

Et de tout mon être je vomissais
Le mal absolu que tu étais
Oh Spectre; Oh Diable innommable
Tu ne mettras plus jamais rien à table !

(Carmen Cupido, 17.11.2018)
(Traduction/Arrangement du poème 
"Diabo sem nome" du blog "Na Matriz da Palavra",2010)


jeudi 27 septembre 2018

Blessures opalines


Ne me cherchez plus
Au fond de mes yeux
Je ne suis plus
Qu’un rêve brumeux
Qui gît au fond de moi
Une ombre difforme
De l’être que j’ai voulu être
Mais que je n’ai jamais été

Sous cette terre qui m’enterre
Je ne suis qu’un perce-neige qui s’oublie
Sous son tombeau blanc ensevelît
Son corps frêle à moitié engourdît
N’a plus la force de tirer sur ses racines
Et mille et une blessures opalines
Glacent son cœur, qu’à petit feu, se meurt

La fleur lentement s’éteint
Sa tige a inexorablement perdu son chemin
Dans les profondeurs du gosier vorace de l’hiver

Tout au fond de sa torpeur, une douceur printanière, inconsolable, erre…

Inconsolable, erre.

(Carmen Cupido)